Ploc, c’est le bruit qu’a fait la bouteille de Meursault lorsque nous l’avons ouverte au pied du phare des Baleines (sur l’ile de Ré pour les incultes !) Glou glou, c’est le doux son du liquide coulant de
ladite bouteille dans des gobelets en cartons. Huummm, c’est ce que je me suis dit en dégustant ce breuvage malgré l’heure matinale. Eh oui, je n’ai pas l’habitude de boire un verre de vin blanc (fusse t’il un très bon Meursault) à 9h30 du matin ! Mais comment en étais–je arrivé là ? Laissez–moi reprendre l’histoire depuis le début.
– Papa ???
– Oui ma grande ?
– J’ai prévu de faire un truc à vélo bientôt…….
– Ah oui, monter un trottoir sans tomber ??????
– Ah ah très drôle. Non je voudrais faire le voyage de Dijon à l’ile de Ré.
– A vélo ????????? !!!!!!!!!!
– Oui oui,à vélo.
– !!!!!!!!!!! Mais ton copain t’accompagnerait ???
– Non non, je le ferai toute seule.
– ???????!!!!!! C’est bien ma grande, mais ne trouves–tu pas que, pour un premier voyage en vélo seule, c’est un peu long ???? Cela doit faire environ 700 kilomètres avec la traversée du massif central…… (Non, je ne suis pas un papa poule, je suis une personne mesurée, il n’y a qu’à voir ma façon de rouler, toujours dans la délicatesse et la légèreté………… et le premier qui sourit, je lui pète la gueule).
– Et je passerai par Tours pour voir les tatas……
– ?????!!!!! Mais tu vas rajouter encore des kilomètres. Et tu as prévu combien de jours ??
– Six jours. Et le thème du voyage serait « Une bouteille à la mer » et, le septième jour, on irait ouvrir une bouteille de vin au phare des Baleines.
– Ah si c’est pour boire un coup au phare je veux bien t’accompagner…
Et voila comment je me suis retrouvé à réviser entièrement « ma mule » et à l’équiper de ses sacoches afin de la préparer à ce voyage.
Initialement, je souhaitais descendre à Dijon en deux jours de vélo mais, la veille de mon départ, les prévisions météo n’étant vraiment pas favorables, je passe au plan B et réserve un aller simple pour Dijon en TER. Moins fun je vous l’accorde mais, vu la flotte qu’il est tombé le jour ou je devais partir, je n’ai pas de regrets ! Et puis ce fut une découverte pour ma mule qui a trouvé le voyage agréable, suspendue par la roue avant, bercée par les mouvements du train. Le calme avant la tempête…
Le vrai départ a donc lieu le samedi 8 mai sous un beau soleil accompagné de températures très agréables. Le genre de temps qui vous fait penser que tout va bien se passer et que même ça va être plutôt fastoche !!!
La traversée du parc naturel du Morvan nous régalera les yeux. La pause au lac des Settons nous enchantera par sa beauté. Et voila, déjà 140 kilomètres et 1404 mètres de dénivelé avalés. Trop facile je vous disais…
Au départ du deuxième jour, la météo est déjà beaucoup moins conciliante. Un fort vent d’ouest d’environ soixante kilomètres heure bien installé nous accompagnera toute la journée. Tantôt de trois
quart face, tantôt de coté. La journée sera longue, très longue. Un peu inconfortable de se faire balloter pendant tout le parcours. L’impression de passer la journée dans un aspirateur !!! Lucile a passé son temps à essayer de prendre le moins de vent possible mais ce n’était vraiment pas simple. Les trente derniers kilomètres furent ponctués de nombreuses pauses récup afin de ne pas saturer. Enfin, nous parvenons au bout des 130 kilomètres et 1198 mètres de dénivelé de l’étape du jour. Ouf, une bonne chose de faite ! Etant arrivés au gîte plus tôt que la veille (où nous étions arrivés à 19h à cause d’un départ trop tardif), nous profitons de ce temps pour un repos bien mérité. L’occasion aussi d’échanger avec le propriétaire des lieux, ancien coureur de 1er caté qui, à un moment de sa vie, tenait un magasin de vélo ou il fabriquait ses propres cadres. Echanges très intéressants.
Pour le troisième jour, en plus du vent toujours présent mais heureusement un ton plus bas, la pluie rejoint la partie. Elle nous accompagnera jusqu’à la fin du périple avec plus ou moins d’assiduité et sous toutes ses formes. De la petite averse sympa qui ne mouille pas (ça existe ça ?) à l’averse beaucoup plus soutenue mais heureusement sporadique pour aller jusqu’à l’orage de grêle où tes chaussures se transforment en pédiluve dans les cinq minutes malgré tes sur–chaussures. Ce troisième jour donc, nous partons en direction de Blois sous un soleil très mitigé. Au sortir de l’Yonne, nous traversons la Sologne. Le changement est flagrant car nous passons de paysages très vallonnés à une forêt plate comme la main avec des lignes droites interminables. Ajoutez–y le vent qui s’engouffre dans les trouées créées par la route et vous n’êtes pas loin de toucher l’ennui total, même sur un vélo. Heureusement, nous finissons par déboucher sur le château de Chambord. Grandiose sous le soleil qui daigne nous honorer un court instant de sa présence. Ne reste plus que trente kilomètres et l’on croit bien que, cette fois, la journée va se terminer sous le soleil…Optimisme quand tu nous tiens !!! Raté. Troisième jour bouclé avec ses 117 kilomètres et son dénivelé plus léger de 430 mètres. On profite d’être dans une grande ville pour se faire
plaisir au moment du repas du soir. En sortant du restaurant où l’on vient de prendre notre commande, Lucile s’emmêle les pieds (un truc qu’elle doit tenir de sa mère !) et manque de s’étaler sur le passage piéton. L’espace d’une seconde, je me vois finir le voyage tout seul ! Pour le dîner, pizzas fraiches et dessert. Grand luxe. Il faut dire qu’à cause du confinement, les commerces et surtout les restaurants sont toujours fermés. Du coup, durant tout le voyage, ce sera un peu la prise de tête pour prévoir le repas du soir. On finira par acheter un paquet de semoule en sachets individuels et quatre boites de maquereaux.
Comme le dit Lucile, en vélo, les maquereaux c’est la vie !!! Ce sera notre repas du soir à trois reprises !!! Un peu juste après une journée à rouler mais on s’habitue.
Le quatrième jour, petite journée prévue avec ses 80 kilomètres le long de la Loire pour rejoindre Tours. Nous prévoyons donc un départ plus tardif (vers 11h) afin de dormir un peu plus. Mais après avoir consulté les prévisions météo, changement de tactique car il prévoit de la pluie à partir de 11h sur Blois et 13h sur Tours. Du coup, départ à 7h30 pour échapper à la flotte. Ah que merde….. Encore raté….. Il a plu dès 7h45, juste le temps de sortir de Blois sur une route détrempée !!! Elle ne nous lâchera pas pendant les cinquante premiers kilomètres. Pause salutaire à Amboise sous le store d’une boulangerie que Lucile a dévalisée, à l’abri du vent pour se protéger un peu de la fraicheur ambiante. Nous arriverons à destination à 11h30. La pluie, grande généreuse dans l’âme, nous laissera finir les cinq derniers kilomètres sans elle. Nous avons raté la tata d’un quart d’heure. Tant pis, on en profite pour trouver un éléphant bleu (non non, je ne me drogue pas, cela existe vrai-
ment !!!!) et laver les vélos qui sont méconnaissables.
Tiens, « ma mule » est bleue ??? J’avais oublié, je croyais qu’elle était maculée marron !!! L’après–midi servira à laver toutes nos tenues de vélo qui en ont bien besoin. Ensuite, préparation du repas du soir : gratin de pâtes !!!!! Le rêve absolu…
Le départ du cinquième jour se fera en catimini pour ne pas réveiller la maisonnée. Ce passage chez la tata avec une après-midi de repos nous a bien requinqués tous les deux. Et tant mieux car ce qui nous attend est copieux ! 140 kilomètres et 600 mètres de dénivelé prévus. Nous faisons une pause au bout des 80 premiers kilomètres. Lucile voit la fin de la journée mais elle n’est pas au bout de ses peines (et moi non plus !). En re partant, nous nous dirigeons droit sur un gros nuage noir de mauvais augure. Je finis par m’arrêter pour remettre les équipements de pluie car je ne le sens pas du tout. Lucile fait de même, bien que pas complètement convaincue. Elle fait malgré
tout confiance à l’expérience du pépère… Deux kilomètres plus loin, nous sommes trempés jusqu’au plus profond de nous. Cela n’a duré qu’un quart d’heure mais a été redoutable. D’autant que nous étions en plein champs sans aucun abri aux alentours. Les joies du vélo quoi !!! A la fin de cette journée rendue difficile par la pluie (toujours) et le vent (pour changer), nous comptabiliserons 137 kilomètres et finalement 1100 mètres de dénivelé ??! Les mystères du GPS !!! Lucile a très moyennement apprécié l’effet de surprise, la fatigue commence à faire son effet sur les organismes. Le gîte de ce soir est situé dans Parthenay, banlieue de Poitiers. En haut d’une ultime côte gravie au milieu d’une circulation dense, une boulangerie trônait.
Dommage ou tant mieux pour elle, Lucile a encore fait une razzia !!! Nous garderons de ce gîte un souvenir mitigé dû à la personnalité des proprios un peu intrusifs et nombrilistes (mais si ça vous intéresse, je peux vous raconter leur vie en long et en travers). Du coup, au moment du dîner, nous avalons semoule et maquereaux sans traîner puis gros dodo et petit déj vite avalé le lendemain avant de repartir pour la dernière journée.
La pluie n’est pas au départ, elle nous attend deux kilomètres plus loin pour nous accompagner une grosse partie de la matinée. Ajoutée aux reliefs joueurs qui ne font qu’enchaîner petites bosses et descentes, ce début est compliqué. Lucile a tracé l’itinéraire sur le parcours de la Francette à vélo qui est censé être un « parcours familial ». Je l’entendrais pester « la famille de Peter Sagan, ouais ! ». Difficile de s’installer dans un rythme avec ces toboggans, Lucile remonte à ma hauteur pour me dire qu’à la première boulangerie, on s’arrête ! Finalement, la pluie finira par nous laisser tranquille pour le reste du parcours estimant sans doute que nous avons suffisamment pris !!! Merci à elle pour cette gentille attention. Par contre, le vent, lui, n’envisage pas du tout les choses de la même façon, il continuera à s’acharner jusqu’au bout. La route nous fait traverser le marais poitevin sous le soleil enfin revenu. On en profite pour pique–niquer au bord de l’eau d’une boite de maquereaux (il faut bien les finir !) et de chips. Repas frugal ! A force de tourner les guibolles sans arrêt, nous finissons par arriver au pied du pont tant attendu, celui qui va nous faire accéder à l’île de Ré ! Moment magique pour nous deux. Lucile est heureuse d’avoir réussi et moi de l’avoir aidé au plus de ce que je pouvais faire. Elle m’avouera qu’elle ne sait pas si elle aurait réussi sans
ma présence. Moi, je suis sûr que si mais il est vrai que le plaisir n’aurait peut–être pas pris le dessus. Je la félicite pour sa performance qui en est vraiment une. 850 kilomètres et 5500 mètres de dénivelé en six jours ne sont pas anodins…. Bravo ma grande !
Nous traversons donc le pont dans un état euphorique. Je souhaite à tout le monde de pouvoir vivre ces moments. C’est déjà bien quand je pars seul, c’est très bien quand je pars avec les bourricots du club, mais là, c’est au–dessus de tout !
Le lendemain matin, départ à 7h30 sans les sacoches (bonheur !), laissées au gîte pour se rendre au phare des baleines, point final de ce périple, afin de boire la bouteille qui nous accompagne depuis le départ. La suite, vous l’avez déjà lue…
Le retour se fera en train sur deux jours avec une pause à Poitiers où nous retrouverons une amie devenue intime : Dame pluie…
La bouteille fut finie à notre retour à la maison en compagnie de Marion et Pierrette qui nous avait préparé un vrai repas réparateur. Le vin était toujours aussi bon………comme quoi, il suffit juste (peut être ) de le balader en vélo !!!!!!!!
Thierry M.
Mes quelques lignes arrivent en deuxième position, conformément à la disposition que nous avons respectée, mon père et moi, tout au long de ce voyage. 850 kilomètres et je peux vous
assurer que je n’ai pris aucun relais ! Comme l’a écrit mon père, je serais certainement venue au bout de ce projet vélo seule mais je n’aurais pas autant de jolis souvenirs en tête.
En pagaille, je me rappelle la glace dévorée au bord du lac des Settons dans le parc du Morvan, les paysages splendides, grands et vastes de ce parc naturel. Je peux vous raconter ma crevaison le premier jour que mon père a réparée en un temps qu’à l’heure actuelle, je serais toujours en train de dévisser la valve. Je pourrais vous parler des gens que nous avons rencontrés, ceux qui nous ont accueillis
dans leur maison d’hôtes, ceux avec lesquels nous avons échangé au bord de la route. A force de kilomètres dans la roue de mon père, je peux vous décrire l’arrière de son vélo millimètre par millimètre. Je peux aussi mentionner ces émotions que tout cycliste connaît, lorsque les jambes ont du mal, lorsque c’est trop long, lorsqu’on voudrait que la fin soit au prochain virage mais qu’il faut continuer, lorsqu’on a mal aux fesses, mal au dos, lorsqu’on veut faire une pause mais on vient de repartir de la dernière il y a dix minutes à peine donc on ne peut pas, lorsqu’on se demande finalement pourquoi on n’a pas décidé de faire ce fichu projet en trottinette électrique ! Dans le creux de ma tête se nichent les images du château de Chambord baigné de soleil, mon père qui lave nos vélos dans une station de lavage pour voitures, le téléphone posé en travers sur la table pour que l’on regarde le résumé des étapes du Giro, les départs dans les paysages encore embrumés du matin, mon père qui roule devant, inlassablement, mon père qui me sourit, mon père qui m’encourage, mon père qui dit des conneries, mon père qui se prend le vent, mon père qui me félicite chaque
soir, mon père qui prend sur lui lorsque ce n’est pas facile parce qu’il sait que ça ne l’est pas non plus pour moi, mon père qui me pousse gentiment lorsque je lui dis qu’il est hors de question que je décolle mes fesses de ce fossé bien trop confortable puisqu’ayant l’immense avantage DE NE PAS ETRE UN VELO, et puis je me souviens de l’image de ce pont, LE pont. C’était si étrange de le voir sous mes yeux, de voir l’océan alors que nous avions quitté Dijon il y a six jours. Je me souviens presque de tout et je m’en souviendrai très longtemps.
Enfin, n’oubliez pas, si vous partez en sortie vélo, glissez une boîte de maquereaux dans la sacoche, ça pèse que dalle et ça sauve des situations !
Lucile